352 pag, 25 €
Recensão crítica ao livro de Jean-Daniel Piquet aqui nos «Cahiers d'Histoire», nº 137:« 1. Cet ouvrage très détaillé et très bien indexé reprend un thème souvent évoqué dans la littérature de la Seconde Guerre mondiale, mais resté tabou dans l’opinion américaine malgré les travaux d’historiens « révisionnistes » depuis les années 1960, déterminés à mettre en cause les origines de la guerre froide. L’auteur est trilingue et a pu avoir accès aux archives. Il évoque dans le détail les longues négociations américano-soviétiques et soviéto-japonaises, qui n’empêchèrent finalement ni le largage des bombes les 6 et 9 août 1945, ni la déclaration de guerre de l’URSS au Japon le 8 août. Il met en fait en relief l’importance du rôle de l’URSS, jusque-là considéré comme secondaire par les historiens. Celle-ci s’était engagée en février à Yalta auprès du président Roosevelt à entrer en guerre contre le Japon dans les deux à trois mois qui suivraient la capitulation de l’Allemagne. Il s’agissait pour Washington de limiter au maximum les pertes américaines.
2. Mais
le Japon et l’URSS avaient conclu pour cinq ans un pacte de neutralité
en avril 1941, dont seule l’annonce de non-renouvellement au bout de
quatre ans s’avérait juridiquement possible. Une déclaration unilatérale
avant avril 1945 revenait à agir de manière analogue à l’Allemagne
nazie, qui engagea sans prévenir l’opération Barbarossa en violation
complète du pacte germano-soviétique.
3.Ce ne furent ni la crainte de perdre beaucoup d’hommes face à un peuple fanatisé – le Japon souhaitant capituler avant le 1er novembre
1945 – ni le désir d’impressionner l’URSS qui incitèrent Harry Truman à
employer la bombe atomique, mais bien la nécessité de prendre de
vitesse les Soviétiques, parfaitement logique de la part d’un
anticommuniste né (malgré un réel libéralisme politique qui l’amena en
interne à poursuivre la lutte contre la ségrégation raciale et les
injustices sociales, entamée par son prédécesseur). Il ne souhaitait pas
partager avec eux les fruits de la victoire, comme Franklin Roosevelt
était prêt à le faire. Mais c'est aussi, chez ce nouveau président, le
désir plus terre à terre de venger l’attaque surprise de Pearl Harbour
(qualifiée à tort de traîtrise si l’on sait qu’un message diplomatique
fut envoyé, mais non lu dans les temps) et les maltraitances contre les
prisonniers américains par « un peuple féroce et cruel ». Comme si ce
peuple n’avait pas été suffisamment puni par les bombardements
incendiaires – fait curieusement négligé dans le livre – sur ses villes.
Un général américain, Curtis Le May, avait lancé en février 1945 une
formule, attribuée par la suite – peut-être à tort – aux bombardements
sur le Viêt Nam : « Nous réduirons le Japon à l’âge de la pierre ».
Aussi, le 27 juillet 1945, Harry Truman envoya-t-il une injonction de
capitulation sans conditions qu’il savait inacceptable pour les
Japonais, désireux de garder leur monarchie et leur empereur. Il écrivit
ainsi le 23 juillet dans son carnet : « Nous publierons un message
d’avertissement demandant aux Japs de capituler et de sauver des vies.
Je suis sûr qu’ils n’en feront rien. Mais nous leur en aurons donné
l’occasion ».
4. Ce
ne furent pas les deux bombes atomiques qui précipitèrent la
capitulation japonaise, mais plutôt la déclaration de guerre soviétique
au Japon, pour qui une reddition inconditionnelle face aux États-Unis et
une occupation du pays par leur armée constituaient un moindre mal. La
menace communiste avait motivé, dans le passé, l’alliance de Hiro-Hito
avec Hitler et aurait débouché en 1945 sur la chute assurée de la
monarchie, que malgré leur intransigeance les Américains n’avaient pas
imposée. Cet enjeu politico-social n’est mis en relief qu’au début du
livre. On y lit qu’au fur et à mesure que s’accumulaient les défaites
militaires, la crainte d’une révolution communiste augmentait, bien
perceptible par exemple dans les notes à l’empereur de Funimaro Konoe,
Premier ministre japonais. Ainsi écrit-il : « Ce dont nous devons nous
inquiéter, c’est d’une révolution communiste qui irait de pair avec la
défaite ». À ce moment, il suggère de négocier avec les États-Unis et la
Grande-Bretagne. La situation va se modifier après la défaite allemande
de mai 1945 : un parti de la paix de plus en plus influent tentera à
Tokyo d’imposer un rapprochement avec l’URSS, en l’utilisant comme
intermédiaire.
5. Du
côté soviétique, l’enjeu idéologique ne constitue pas, loin s’en faut,
la seule motivation à la déclaration de guerre. On touche ici à une zone
d’ombre que seul l’historien russe Boris Slavinski a eu le courage à ce
jour d’explorer : loin de désirer la seule libération des peuples
opprimés, l’URSS était décidée à reprendre des territoires perdus en
1904, quitte à violer l’engagement pris à Yalta de conclure
préalablement un traité avec la Chine, et sur le terrain à commettre à
son tour des crimes de guerre. Il s’agissait de Sakhaline sud, des
chemins de fer en Mandchourie, de Dairen, de Port Arthur, et enfin de la
partie nord des îles Kouriles qui, elles, n’avaient jamais appartenu à
la Russie, quoi qu’en ait dit Moscou. L’auteur note quand même que « les
exigences sécuritaires primaient sur la légitimité ». De fait, cela
doit être précisé, en 1950, après la victoire de Mao Zedong, les
acquisitions mandchoues de l’URSS furent officiellement rendues à la
Chine, et ce, du vivant de Staline, même si la guerre de Corée, dans
laquelle les deux pays socialistes se sont engagés, retarda jusqu’en
1955 l’exécution de l’accord. Par ailleurs, rien ne permettait d’assurer
qu’après-guerre un nouveau pacte antikomintern sous la houlette des
États-Unis et/ou de la Grande-Bretagne n’allait pas se former dans la
région. L’ancien, précisons-le, était en 1936 doublement dirigé contre
l’URSS et la Mongolie extérieure, laquelle fut envahie à l’été 1939 par
le Japon, amenant l’URSS à intervenir, au moment même où elle signait le
pacte germano-soviétique. Vers 1947, le recrutement de criminels de
guerre nippons par l’Amérique de Truman, pour lutter contre le
communisme, montre que la motivation sécuritaire de Moscou n’était pas
infondée et qu’elle ne relevait pas du nationalisme et de
l’expansionnisme. En revanche, s’agissant des Kouriles, l’idéal
internationaliste s’en est trouvé passablement terni, au vu du
contentieux qui a toujours opposé les partis communistes japonais et
soviétique. Pris dans une course de vitesse, Staline, qui avait prévu à
la fin juin l’entrée en guerre pour le 25 août, accéléra la décision de
crainte, après Hiroshima, de perdre les droits territoriaux promis à
Yalta. Dans un premier temps, après Postdam, il l’avança au 11 août,
puis à l’annonce du largage de la première bombe A sur Hiroshima, il se
décida pour le 8. Mais la proclamation de Postdam enjoignant le
26 juillet le Japon à capituler sans conditions fut seulement formulée
par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine sur la volonté du
président Truman, un point clé dont l’auteur tient peu compte quand il
veut souligner le machiavélisme de Staline. L’URSS, qui avait préparé
son propre texte quadripartite, similaire quant à la capitulation
inconditionnelle, fut écartée. Du coup, elle endossa le mauvais rôle,
faisant apparaître sa déclaration de guerre du 8 août comme une
traîtrise similaire à Pearl Harbour. On voit alors que Truman a bien
manœuvré pour exécuter sa vengeance et empêcher une occupation à
l’allemande de l’archipel nippon.»
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