Tem a palavra o
Nobel Orhan Pamuk
«(...)Vos critiques contre Erdogan ne s’articulent pas autour de l’opposition habituelle entre laïcs et religieux…
Je suis
critique d’Erdogan pour son islam politique et son
autoritarisme. Et s’il a bien détruit la démocratie
en Turquie, la laïcité perdure. Vu de l’extérieur du pays, il y a une
confusion sur ce point.Ou, la situation en Turquie est très
mauvaise. Et on pleure sur notre sort. Mais autant pleurer pour les bonnes
raisons : la démocratie et la liberté de parole sont
détruites certes, mais la laïcité est là. Il reste aussi un
résidu de démocratie électorale, ce qui permet à l’AKP (le parti au pouvoir – ndlr) de parler de démocratie,
mais sans liberté de parole quand même.
Nous
apprenons à survivre là-dedans. Toutes les organisations internationales
respectables, qui surveillent ces sujets, sont unanimes :
la Turquie est devenue sans conteste un des pires
endroits dans le monde pour la liberté d’expression.
Les journalistes, les commentateurs politiques sont dans
la ligne de mire du
gouvernement. Il faut être courageux pour parler et
exposer des vérités aujourd’hui. Et être courageux ne suffit pas. J’ai donné une
interview au
journal Hürriyet sur la situation du pays, juste avant le référendum.
L’interview n’a pas été publiée. Je n’étais pourtant pas
trop dur envers Erdogan, car je voulais
m’adresser
aussi à ses électeurs. Mais la peur des journalistes
est réelle. Le rédacteur en chef m’a appelé pour s’excuser.
Je ne lui en veux pas. Je comprends.
Que peut faire un écrivain dans cette
situation ?
Il n’y a
plus d’espaces de liberté. Asli Erdogan a été jetée en prison de la manière la plus
cruelle et insensible qui soit. Ce n’est qu’en
voyant les réactions nationales et internationales que son
arrestation suscitait qu’ils
se sont rendu compte de qui elle était : une écrivaine aimée, une personnalité
unique. Elle est une nouvelle démonstration de
comment toutes
ces arrestations sont faites
gratuitement, sans effort, sans réelles raisons, sans même y penser
à deux fois.
Après la tentative de coup d’Etat, 130
000 personnes ont perdu leur emploi, 40 000 personnes ont
été arrêtées.
Rien ne légitimait cela. Ils disent que
les prisons sont pleines et ils en bâtissent de
nouvelles. Avec l’aide des services secrets, ils construisent des
liens présumés entre n’importe
quel citoyen et de prétendus terroristes du PKK (groupe armé d’indépendantistes kurdes – ndlr) ou de la
confrérie Gülen (mouvement islamiste et conservateur dirigé par l’imam Fethullah Gülen – ndlr).
Or, n’importe
quelle personne sensée en Turquie sait que c’est
leur parti qui est lié jusqu’au cou avec le mouvement Gülen. Le militantisme est
le seul espace qui
reste. Kemal Kiliçdaroglu (à la tête du
plus grand parti d’opposition – ndlr) s’est incarné dans cette voie-là, en initiant la grande marche
pour la justice d’Ankara à Istanbul.»
em entrevista ao último «Les InRockuptibles»
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