no entanto, há quem consiga escrever o que está sublinhado
Entretanto, prossegue o debate...
À l'approche de son cinquantenaire, nous assistons dans le débat
public à une tentative de réécriture trompeuse de ce que fut Mai 68.
Petite touche après petite touche, d'articles de magazines en grands
entretiens d'intellectuels et en débats audiovisuels, émerge le tableau
suivant: Mai 68, ce serait une "révolution des mœurs".
En
pleine émergence de la consommation de masse et de la nouvelle
abondance des Trente Glorieuses, les étudiants de la génération du
baby-boom se seraient rebellés, pour "jouir sans entraves", contre le
puritanisme encore très puissant de la France des années De Gaulle. Sous
les slogans rejetant la société de consommation, Mai 68 aurait donc
marqué en réalité le triomphe du consumérisme et de l'individualisme
jouisseur.
Il
est certes incontestable que l'exigence de libération sexuelle fut le
point de départ du Mai 68 étudiant: le mouvement a commencé à Nanterre,
lorsque des étudiants ont réclamé l'accès libre aux dortoirs des filles
et ont été évacués par la police. Cependant, n'y voir qu'une pure envie
de licence sexuelle, c'est passer sous silence les racines idéologiques
de la démarche. Les révoltés de Nanterre se revendiquaient en effet du
philosophe marxiste et freudien Herbert Marcuse. Dans son ouvrage de
référence Eros et civilisation, ce dernier voit dans le
capitalisme un système déshumanisant qui aliène les êtres en réprimant
leurs envies et leurs potentialités, aussi bien sexuelles que dans le
travail, afin de les soumettre au principe de rendement. Les voies de
l'émancipation humaine selon Marcuse sont donc à la fois la révolution
sexuelle et l'abolition du travail aliéné, pour ériger une nouvelle
société non-répressive.
En
d'autres termes, pour le mouvement étudiant soixante-huitard, la
révolution sexuelle n'est pas consumériste: elle est au contraire
indissociable d'une révolte globale contre le capitalisme.
En
outre, ne se souvenir que de la révolte de la jeunesse, c'est poser sur
ce mouvement un regard borgne. Car le Mai 68 étudiant en anticipe,
réclame et accompagne un autre: le Mai 68 ouvrier. De fait, après une
amplification du mouvement en avril, un cortège d'étudiants participe au
défilé syndical traditionnel du 1er mai pour réclamer la
convergence des révoltes. S'ensuit le lancement de grèves et de
manifestations de masse par les grands syndicats de l'époque – notamment
la CGT, la CFDT et la FEN – avec pour revendication "la transformation
du système économique par et pour le peuple". À partir du 13 mai,
l'effet boule-de-neige des grèves aboutit petit à petit à ce résultat
colossal : une grève générale paralyse l'économie du pays.
Le
gouvernement du général De Gaulle, mis à genoux, capitule. Ce seront
les accords de Grenelle, par lesquels il concède une avalanche
spectaculaire de conquêtes sociales: augmentation du salaire minimum de
plus d'un tiers (!), augmentation générale des salaires de 10%, baisse réelle du temps de travail à 40 heures hebdomadaires, obtention de nouvelles libertés syndicales, et ainsi de suite.
Puisque
ce fut cette grève générale qui eut à l'époque l'impact politique et
social le plus décisif, et puisque même les revendications étudiantes
d'émancipation des mœurs s'inscrivaient dans une charge globale contre
le capitalisme, il est mensonger de vouloir aujourd'hui repeindre Mai 68
en une "révolution des mœurs" jouisseuse et consumériste. De bout en
bout Mai 68 fut un mouvement social, avec pour finalité de
renverser le système en place. Il n'y parvint pas. Mais il confirma la
leçon fondamentale des grèves massives de 1919-1920 et de 1936. À
savoir: lorsqu'une grande grève paralyse l'économie du pays, le
gouvernement et le patronat cèdent au bout de quelques semaines à peine.
Cinquante ans après, cette leçon reste d'actualité.